Ukraine : le réseau ferroviaire, la nouvelle cible hautement stratégique de Moscou


Une série de frappes qui témoigne d’un nouvel aspect de la stratégie de la Russie sur le front contre l’Ukraine. Ce vendredi 26 avril, l’armée russe a revendiqué avoir frappé un “train avec des armements occidentaux et des équipements militaires” dans la région de Donetsk, ainsi que des “troupes et équipements” militaires à Balaklia. Des annonces qui semblent correspondre à des frappes sur le réseau ferroviaire évoquées la veille par les autorités ukrainiennes.

Le but “est de paralyser les livraisons, le transport des cargaisons militaires”, a déclaré sous couvert d’anonymat une source haut placée dans le système sécuritaire ukrainien interrogée par l’AFP sur ces attaques. “Il s’agit là de mesures classiques avant une offensive” d’ampleur, attendue ces prochaines semaines, a-t-il ajouté.

L’infrastructure ferroviaire est particulièrement vitale en Ukraine, aussi bien pour le transport passager et le commerce que pour l’armée, car depuis le début de l’invasion russe en février 2022, tout le trafic aérien civil y est paralysé. Le commandement russe le sait bien : ainsi, le réseau des chemins de fer ukrainien était régulièrement visé par des bombardements russes ces deux dernières années. Des frappes ont notamment touché des gares à l’instar de celle de Kramatorsk, dans l’Est, où des dizaines de personnes, essentiellement des civils tentant de fuir les combats, avaient été tuées en avril 2022.

Des frappes qui se multiplient

Mais ces dernières semaines, une recrudescence des bombardements ciblant les infrastructures ferroviaires a été constatée. Rien que ce jeudi, des frappes ont touché ces infrastructures dans trois régions ukrainiennes. Dans celle de Donetsk, à l’est du pays, divisée par la ligne de front, trois employés de la société de chemins de fer ukrainienne, Ukrzaliznytsia, ont été tués dans une attaque contre un site ferroviaire.

Le même jour, dix civils ont été blessés dans une frappe de missile contre la gare de Balaklia, dans la région de Kharkiv, au nord-est du pays, et des infrastructures ferroviaires ont été endommagées à Smila, dans la région de Tcherkassy, au centre de l’Ukraine.

L’augmentation de ces frappes ne date cependant pas juste de cette semaine. Un bombardement massif contre des sites ferroviaires à Dnipro et sa région avait tué une employée d’Ukrzaliznytsia et en avait blessé sept autres le 19 avril. Une semaine plus tôt, la gare de Soumy, au nord de l’Ukraine, avait été touchée par une frappe.

“Une manière très primitive de faire”

Ces attaques sur le réseau ferroviaire entrent pleinement dans la tactique russe de frappes sur les infrastructures civiles ukrainiennes. Les attaques sur le réseau énergétique se sont ainsi multipliées depuis le début de l’année, avec des villes comme Kharkiv plongées dans le noir pendant de longues heures à plusieurs reprises.

Le passage à des attaques sur le réseau de chemin de fer n’a cependant rien d’un hasard. Il intervient pile au moment où les Etats-Unis ont, après des mois de paralysie à cause de rivalités politiques internes, repris leur aide militaire à l’Ukraine. Or, les armements occidentaux donnés à l’Ukraine, notamment des munitions pour l’artillerie et la défense aérienne, sont livrés par la voie ferroviaire dans le plus grand secret depuis les pays voisins, en particulier la Pologne.

Le chef du transport passager d’Ukrzaliznytsia, Oleksandr Pertsovsky a ainsi indiqué jeudi à l’AFP avoir constaté “une hausse des attaques sur l’infrastructure ferroviaire” “Nous constatons que les frappes visent la logistique ferroviaire, et touchent essentiellement des sites civils”, a-t-il dit. “Ils mènent des frappes de manière aveugle sur des gares, c’est une manière très primitive de faire”.

L’objectif semble en tout cas clair : ralentir le plus possible l’acheminement du soutien occidental désormais renfloué pour l’Ukraine. Car, affaiblie par une contre-offensive infructueuse à l’été 2023 et la paralysie des mois durant de l’aide militaire américaine, les forces ukrainiennes, en manque d’hommes et de munitions, sont sous pression sur une large partie du front, notamment dans l’Est. La situation devrait empirer autour de la mi-mai et début juin, qui sera une “période difficile”, avait prévenu lundi le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov. Une analyse partagée par des responsables occidentaux qui pronostiquent que les trois mois à venir vont être “très difficiles” pour les forces de Kiev. Ces attaques contre le rail ukrainien laissent à penser que Moscou semble bien vouloir tirer profit de cette période.




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