Le MGCS, ce char du futur qui scelle la coopération militaire entre Paris et Berlin


Ne reste plus qu’à se partager le travail. Les ministres allemand et français de la Défense se sont retrouvés, ce vendredi 26 avril, à Paris pour entériner la répartition des tâches entre industriels des deux pays sur le projet commun de char du futur, le MGCS. Longtemps plongé dans les limbes des rivalités entre industriels et les difficultés des Etats à s’accorder sur leurs besoins militaires, le programme MGCS (acronyme anglais de “Système de combat terrestre principal”) est emblématique de la coopération de défense entre Paris et Berlin, au même titre que l’avion de combat du futur (Scaf), lancé en même temps en 2017. Après une série de difficultés, il est temps de remettre le projet sur les rails.

Alors qu’on n’y croyait plus, Boris Pistorius et Sébastien Lecornu ont pris le dossier à bras-le-corps l’été dernier. Ils ont réussi à s’accorder sur les besoins des deux pays et ont paraphé un protocole d’accord gravant dans le marbre la répartition de la charge de travail à 50-50 entre industriels. Financé à parts égales par Paris et Berlin et mené sous direction allemande, ce programme, à l’origine conduit par KNDS, une entité créée pour l’occasion entre le Français Nexter – constructeur du char Leclerc -, et l’allemand KMW – qui fabrique le Leopard 2 -, a vu l’irruption en 2019 du fabricant allemand Rheinmetall. Et cela a déstabilisé l’édifice et les répartitions envisagées entre industriels.

Le MGCS doit remplacer les Leclerc français et Leopard allemand à l’horizon 2040, contre 2035 au lancement du projet. L’accord, conclu à l’issue d’âpres négociations, définit également huit piliers entre les deux partenaires. “Il ne s’agit pas de savoir si nous développons un Leopard 3 ou un Leclerc 2.0, mais de quelque chose de complètement nouveau”, a plaidé Boris Pistorius dans un entretien conjoint avec son homologue au Frankfurter Allgemeine Zeitung.

Concrètement, le MGCS est un système de combat dans lequel seront connectés les engins de combat terrestres des armées française et allemande. “Ce dispositif sera connecté à des satellites pour que les informations de combat soient partagées par les armées de l’Air et la Marine des pays partenaires”, assurent nos confrères de BFMTV.

“Un équipement militaire révolutionnaire”

Et Sébastien Lecornu pèse ses mots : le MGS sera un “équipement militaire révolutionnaire. Nous ne développons pas simplement le char du futur, mais le futur du char que nous voulons imaginer ensemble”. Le projet franco-allemand est selon lui le plus avancé, taclant au passage ses voisins outre-Atlantique : “Les Américains n’ont toujours pas commencé à réfléchir” au successeur de leur char Abrams et les Russes “essuyé des échecs” avec leur char T-14 Armata. Il comportera d’importantes “ruptures” technologiques, avait-il expliqué le mois dernier, évoquant le recours à l’intelligence artificielle, à des drones pour protéger le char ou l’incorporation d’armes dites à effet dirigé, telles que des lasers, ou des systèmes de guerre électronique.

Le premier pilier concerne le développement et la production des différentes plateformes du système. Car plus qu’un char traditionnel, le MGCS est un “système de systèmes”, un char proprement dit accompagné d’autres véhicules, habités ou non. Un deuxième pilier porte sur les “feux classiques”, c’est-à-dire la responsabilité du canon, KNDS-France (ex-Nexter) promouvant son canon de 140 mm quand Rheinmetall pousse le sien de 130 mm. Un troisième concerne les “feux innovants”, les missiles et armes à effet dirigé pouvant être tirés depuis un autre véhicule que le char proprement dit. Les autres piliers portent sur les systèmes de communication et le “cloud” de combat, sur la simulation, sur les capteurs, sur la protection du char et enfin sur “les infrastructures qui seront nécessaires pour accueillir ces plateformes”, selon le cabinet du ministre des Armées.

Cet accord intergouvernemental doit ouvrir la voie à une notification des contrats aux industriels “au début de l’année prochaine, ce qui est ambitieux”, selon Boris Pistorius. Ce contrat portera sur la phase dite 1A du projet de conception d’un démonstrateur, sorte de pré-prototype. Celui-ci sera fabriqué au tournant de la décennie. Les sommes investies pour développer les briques technologiques au cours de cette phase 1A sont comprises entre “100 et quelques centaines de millions d’euros”, les ambitions technologiques n’étant pas encore arrêtées sur certains sujets, explique-t-on à Paris. D’ici là, il va falloir que les industriels, KNDS et Rheinmetall, mais aussi une nuée d’autres entreprises des deux pays, actent la répartition exacte des responsabilités et la façon de s’échanger les informations, et mettent en place une organisation industrielle spécifique. À noter que d’autres pays pourraient avoir envie de rejoindre le binôme. À commencer par l’Italien Leonardo qui se montre intéressé et occupe actuellement un poste d’observateur.





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