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Education : mon prof particulier est une IA, par Robin Rivaton


Tous les regards se tournent vers le système scolaire. Même dans les pays qui caracolent en tête du classement Pisa, les critiques se multiplient. Des voix s’élèvent contre le fait de mettre au même niveau une classe d’âge, faisant fi des différences individuelles. L’école ne serait pas capable d’augmenter sensiblement le niveau des élèves.

Des dizaines d’étude ont tenté de discerner les meilleures pratiques éducatives en comparant les établissements à l’échelle d’un pays mais aussi entre les pays, que ce soit en matière de méthode d’apprentissage, de recrutement et de valorisation des enseignants, de taille des classes ou d’accès aux outils informatiques, en prenant soin de neutraliser l’incidence socioprofessionnelle et financière du milieu d’origine. Le constat est implacable : tout cela n’a pas beaucoup d’importance.

La recherche a montré que décrocher le gros lot en fréquentant la prétendue meilleure école de la ville n’a pas d’impact sur la performance académique et professionnelle finale des heureux élus, que l’on se trouve à Chicago, New York ou en Chine. Des enfants qui ont échoué de quelques points à un test de sélection pour un collège et qui n’iront pas dans l’école d’élite visée auront, finalement, des résultats similaires à ceux qui l’ont réussi de quelques points et ont accédé au précieux sésame.

La massification de l’enseignement a remplacé le tutorat. Le tutorat a été le mode d’enseignement de l’aristocratie pendant des siècles. Il consistait à exposer de jeunes enfants, individuellement et en permanence, à un tuteur adulte, expert dans son domaine, lequel les instruisait mais aussi les engageait dans des discussions intellectuelles sans chercher à leur faire passer un exercice prédéterminé. Evidemment, ce mode d’enseignement extrêmement coûteux était réservé à une élite. En industrialisant l’éducation, nous avons créé un système de production de masse qui a amélioré la situation de l’immense majorité des gens individuellement, et du monde dans son ensemble, mais nous aurions perdu le processus artisanal qui façonnait les esprits les plus élégants.

Une étude réalisée à Harvard en 2004 a révélé que les étudiants encadrés individuellement avaient des résultats deux fois meilleurs à un test de mathématiques standardisé. Cet appétit renouvelé pour le tutorat se retrouve dans l’éducation à domicile, qui a explosé aux Etats-Unis, passant de 1,5 million d’enfants à 2,3 millions de 2019 à 2023, mais là encore le modèle ne peut être déployé à grande échelle.

Un tuteur virtuel

C’est là où l’intelligence artificielle générative intervient. La semaine dernière, au milieu de la guerre des gauches à San Francisco, une progressiste a voulu critiquer une start-up de l’éducation, Mentava, au motif qu’elle était financée par Garry Tan, patron du célèbre incubateur Y Combinator et démocrate modéré. En faisant cela, elle a braqué les projecteurs sur cette jeune entreprise créée en 2022, suscitant des centaines d’abonnements à 500 dollars par mois.

Que fait Mentava ? Elle offre un tuteur virtuel aux enfants, dès 2 ans, pour leur apprendre à lire et compter. L’ambition est forte, proche de celle des mouvements accélérationnistes. “Accélérer l’éducation, c’est accélérer la réussite humaine. Combien de vies auraient été perdues si le vaccin à ARN messager était arrivé un an plus tard ? Combien de vies seraient sauvées si l’humanité parvenait à guérir le cancer un an plus tôt ?”, peut-on lire sur son site Internet. Mentava n’est qu’une des solutions disponibles. La plus connue s’appelle Synthesis. Utilisée par plus de 10 000 enfants de 7 à 11 ans pour la somme, plus accessible, de 29 dollars par mois, elle s’inspire des principes de l’éducation à domicile promus par Ad Astra, l’école privée qu’Elon Musk prévoit d’ouvrir au Texas via sa fondation.

Cette personnalisation n’est pas nouvelle. Après tout, les Mooc sont devenus très populaires parmi les lycéens, dont 70 % s’ennuient en cours aux Etats-Unis. Mais l’intelligence artificielle générative change tout, puisqu’elle est capable de s’adapter à son interlocuteur, le motiver, l’encourager, lui recommander tel ou tel contenu, en ayant les atours d’un humain. Sal Khan, le fondateur de la Khan Academy, leader de ces cours virtuels, a lancé l’année dernière un assistant virtuel, Khanmigo. Son partenaire ? OpenAI.

Robin Rivaton est directeur général de Stonal et membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol).




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